Ce n’est pas de la «grande» cuisine, mais c’est une de ces choses que j’aime bien manger de temps à autre: des cretons. Pour les lectrices et lecteurs d’outre-mare, il s’agit d’une sorte de rillettes à base de viande de porc généralement consommée en tartinade au petit-déjeuner au Canada français. Autrefois, c’était une manière d’utiliser les viandes moins désirables du porc, une fois l’abattage du cochon familial effectuée à l’automne. C’est resté un accompagnement du petit-déjeuner que l’on peut retrouver au restaurant et qui se trouve partout en épicerie au Québec. Depuis mon arrivée en Alberta, mis à part l’occasionnel déjeuner chez Cora, je n’avais pas réussi à en trouver. Peut-être n’ai-je pas assez cherché… mais bon.
Tout cela pour dire que pour une raison que j’ignore, mon cher et tendre est tombé sur ce mets quelque part dans les recoins retors du ‘net et qu’il s’est mis à en parler. Bon. Il m’en fallait. Je suis donc parti en quête d’une recette simple que j’ai trouvée chez Ricardo. La recette est un peu différente des préparations traditionnelles, qui se servent généralement seulement de viande de porc et ne contiennent pas de gras de canard (mais recommandent d’utiliser du porc plutôt gras). Toutes les recettes que j’ai trouvées suivent cependant la même méthode: faire cuire les oignons et la viande lentement dans une certaine quantité de liquide assaisonné d’épices à base de girofle / cannelle, puis ajouter de la farine d’avoine ou de la chapelure et réfrigérer.
J’ai suivi à la lettre la recette de Ricardo, mis à part que j’ai doublé la recette à cause de la quantité de viande dont je disposais, quadruplé la quantité d’ail (pour quatre gousses au total) et ajouté au piment de Jamaïque du clou de girofle moulu, de la cannelle et de la muscade.
Je n’avais jamais de ma vie cherché du gras de canard et je me demandais s’il me faudrait me rendre dans une épicerie spécialisée pour le trouver, mais il s’est avéré que ça se trouve au supermarché, ainsi que le veau haché que je n’étais pas trop sûr d’y trouver non plus. La recette est très simple: On fait tomber l’oignon et l’ail dans le gras de canard (je suppose qu’on pourrait fort bien utiliser un autre gras), puis on ajoute tous les autres ingrédients sauf la farine d’avoine. On couvre et on fait mijoter doucement 45 minutes, puis on ajoute la farine d’avoine et on fait cuire à découvert en remuant souvent, jusqu’à l’absorption / évaporation du liquide. On verse dans des moules à pain, terrines, ou autres contenants idoines, on couvre de pellicule plastique directement sur la surface, puis on oublie au réfrigérateur un minimum de quatre heures.
Ensuite, on savoure le tout sur un bon pain de ménage (oui, je fais toujours mon pain), avec de la confiture, ou en accompagnement avec des œufs. C’était très bon… mais la recette manque d’assaisonnement (même avec mes ajouts). La prochaine fois, il faudra voir à augmenter. Cependant, il me faut passer à travers cette quantité gargantuesque de la chose et, comme ce n’est pas vraiment santé, ça va me prendre un bout de temps avant que j’en refasse. Heureusement, ça se congèle et c’est ce que j’ai fait, après avoir transvasé dans des petits pots.
C’est le début de la semaine de relâche pour nous… je vais en profiter pour reprendre le retard dans la préparation de cours, me reposer, cuisiner, et prendre du bon temps avec mon Oyaté.
Source de l’image: ACFA. Cliquez sur l’image pour accéder au communiqué.
Le secteur de l’enseignement postsecondaire vit une période particulièrement difficile en Alberta; le gouvernement actuel, poussé par l’idéologie néoconservatrice qui ne répond qu’à la logique du marché capitaliste, ne cache pas son désir de «rentabiliser» ce qu’il travaille dur à dépeindre comme une activité destinée seulement aux privilégiés.
Cette réalité politique et économique est particulièrement difficile en ce qui concerne le seul établissement d’enseignement postsecondaire (à la fois collégial et universitaire) dans la province: le Campus Saint-Jean. Celui-ci fait partie de l’Université de l’Alberta, laquelle fait aussi face au besoin de compressions massives pour combler un manque à gagner de 120 millions de dollars (et c’était avant les retombées, encore inconnues, de la pandémie sur les effectifs étudiants). Le Campus fait face à un double problème financier qui ne date pas d’hier: financé en partie (et insuffisamment) via des fonds fédéraux destinés à soutenir le bilinguisme, il fait souvent face à un manque à gagner pour des raisons budgétaires internes à l’Université dont la logique kafkaïenne m’échappe. En plus, cette année, le Campus se voit interdit d’utiliser les fonds de réserve qui avaient été mis de côté justement pour faire face aux situations d’urgence. En lieu et place, on lui demande de couper drastiquement dans son budget, ce qui aurait pour effet d’entraîner l’annulation d’au moins quatre-vingts cours à partir de septembre. Autant dire qu’il devra fermer ses portes à moyen terme.
Le Campus Saint-Jean est la plus importante institution d’enseignement en français à l’ouest de Winnipeg. Non seulement jouit-il d’une réputation académique enviable, il fournit un service essentiel à la francophonie albertaine. Il sert aussi de tremplin important d’intégration éducative et économique aux nouveaux arrivants francophones. Il permet également la formation de travailleurs essentiels dans les secteurs de l’enseignement primaire et secondaire en français et dans les écoles d’immersion et en sciences infirmières, sans compter tou.te.s les étudiant.e.s qui font le passage du Campus Saint-Jean avant de compléter l’un des programmes offerts en anglais à l’Université de l’Alberta.
Si les droits des francophones en situation minoritaire au Canada, allez faire un tour sur le site de la campagne «Sauvons Saint-Jean» menée par l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA). Il n’est pas nécessaire d’être résident de l’Alberta pour participer à la campagne de lettres envoyées à nos dirigeants politiques pour maintenir la pression. Jusqu’ici, 850 personnes ont envoyé une lettre (on vous fournit une ébauche qui peut être personnalisée et des copies peuvent être envoyées à votre député provincial si vous résidez en Alberta). Jusqu’ici, surtout à cause de l’urgence mondiale présente, les progrès ont été plutôt lents, même si le dialogue se poursuit.
C’est aujourd’hui l’assemblée générale annuelle du Réseau santé albertain. C’est aussi aujourd’hui que se termine mon mandat à la présidence de cet organisme dont le rôle est d’améliorer l’accès aux services de santé en français dans la province. Je siège au conseil d’administration de l’organisme depuis 2011 et j’en ai assumé la présidence en 2016, un peu à pied levé.
Je m’étais engagé à remplir cette tâche pour un maximum de deux ans; les obligations de mon travail me forcent à respecter cette échéance. Aussi, il est bon d’assurer un sain renouvellement au sein des organismes, et je crois que celui-ci est maintenant en bonnes mains avec son nouveau directeur général et une planification qui le met bien en selle pour remplir son mandat au cours des prochaines années. Je quitte donc la présidence et le CA avec confiance en l’avenir.
Quel bilan tire-je de mon engagement de deux ans à la présidence du Réseau? D’abord, comme c’est souvent le cas dans ce genre de bénévolat, une prise de conscience de l’immensité de la tâche qui reste à accomplir, mais aussi de l’étendue et de la diversité des besoins dans divers coins de la francophonie albertaine.
J’ai commencé mon mandat sur les chapeaux de roues, avec une rencontre au sommet avec la Ministre de la Santé nouvellement élue en compagnie du président et de la directrice générale de l’ACFA. J’y étais pour étoffer les demandes de l’ACFA concernant les services de santé, surtout en ce qui concerne les soins prolongés et l’hébergement des personnes âgées. Il y a en effet une résidence à Edmonton, le Centre Saint-Thomas, qui a été érigé grâce aux efforts de la communauté francophone, mais qui a depuis été récupéré dans le système de santé, causant des problèmes d’accès aux francophones. La rencontre avait aussi pour but de demander la création d’un conseil consultatif francophone au sein du Ministère de la Santé (et non seulement d’Alberta Health Services). Ce dossier a fait un certain progrès depuis l’adoption, l’année dernière, d’une Politique en matière de francophonie par le gouvernement albertain, mais c’est lent. Un conseil consultatif francophone auprès du gouvernement est en recrutement, mais ce n’est pas spécifique à la santé.
Mon rôle à la présidence m’a amené à travailler plus étroitement avec des instances gouvernementales, éducatives et communautaires comme le secrétariat francophone de l’Alberta, le Campus Saint-Jean et le Centre collégial de l’Alberta, l’ACFA et quelques autres. Je me suis rendu à Grande-Prairie pour rétablir des contacts qui s’étaient faits distants avec le temps et à Calgary en vue de renforcer nos liens et éventuellement amener l’ouverture d’un bureau satellite du Réseau dans le sud de la province (ce qui devrait se réaliser d’ici la fin de l’année). J’ai aussi été présenté ex officio comme représentant de l’ouest au conseil d’administration de la Société santé en français, l’organisme national qui chapeaute les activités du mouvement santé en français (en situation minoritaire) à l’échelle du pays. Mon calendrier s’est donc assez rapidement rempli… et je dois le dire, mon travail au collège en a parfois souffert un peu.
J’ai toutefois participé à des activités enrichissantes et fait la connaissance de gens passionnés à travers la province. Les consultations du secrétariat francophone en vue de l’élaboration de la politique en matière de francophonie ont été un bel exemple d’une communauté francophone se mobilisant à divers égards. De la même manière, des initiative communautaires comme la clinique francophone de Calgary (malheureusement présentement en hiatus à cause de manque de financement) montre qu’il y a un désir de se donner les moyens de ses désirs. On espère que le Plan d’action pour les langues officielles qui commence assurera le financement gouvernemental nécessaire à la mise sur pied d’initiatives durables.
C’est à ce niveau qu’intervient mon engagement concurrent à la Société santé en français. Le Réseau santé albertain est l’un des seize réseaux qui forment la SSF, dont le siège social est à Ottawa. Le financement de la SSF provient de Santé Canada, ce qui lui donne une certaine autonomie et une complémentarité face aux autres organismes communautaires (comme l’ACFA) qui sont principalement financés via Patrimoine canadien. Le RSA travaille donc en collaboration avec ces organismes communautaires sans devoir entrer en compétition avec eux pour chercher du financement.
Le travail au sein du conseil d’administration de la SSF est complexe au sens où les enjeux de la francophonie en milieu minoritaire sont très différents selon les provinces. Deux provinces regroupent le plus gros de la population francophone hors-Québec, soit le Nouveau-Brunswick et l’Ontario et donc ils ont une certaine capacité institutionnelle renforcée par du financement et des programmes de leurs gouvernements provinciaux respectifs. Cette réalité est très différente des provinces comme l’Alberta, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique ou même la Nouvelle-Écosse, où les populations sont plus petites, plus dispersées, et non soutenues par des programmes provinciaux vigoureux. Et ne parlons pas de la réalité des francophones aux Territoires du Nord-Ouest, Nunavut, Yukon et à Terre-Neuve-et-Labrador, où la situation est plutôt désespérée. Il faut savoir que bien que le financement de la santé provienne des deux paliers de gouvernement (fédéral et provinces), la responsabilité de l’administration de la santé relève du domaine provincial, ce qui complique parfois les choses.
Le rôle de la SSF et des organismes comme le Réseau dans les provinces est de faire en quelque sorte le pont entre les gouvernements provinciaux (et/ou les agences de santé provinciales) et les communautés francophones pour améliorer l’accès aux services de santé en français. Dans certains cas, il y a de la bonne volonté; dans d’autres, une opposition viscérale à ce qu’un groupe autre que les Anglophones reçoive ce qui est considéré comme un «privilège». Il suffit de saisir que la langue d’accès constitue l’un des premiers outils des professionnels de la santé pour améliorer le diagnostic et la conformité aux traitements pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas là de privilège, mais bien de besoin essentiel pour bien des gens. La chose est reconnue par l’Organisation mondiale de la santé et la langue forme avec la culture l’un des déterminants sociaux de la santé. Cependant, convaincre des décideurs politiques qui ne répondent qu’à la loi de la majorité de l’importance de cet élément est difficile. C’est le travail qu’accomplissent les divers réseaux provinciaux (et la SSF au niveau national), et cela requiert du temps, des ressources et du personnel. En plus, certains réseaux offrent des services directs à la population pour aider à l’éducation à la santé.
J’ai donc beaucoup apprécié ces deux années de bénévolat et je ne ferme surtout pas la porte à un engagement futur: cela est trop important et enrichissant au niveau personnel. Cependant, je dois prendre une pause et mesurer mon engagement dans la communauté francophone pour l’instant. Je vais donc consacrer mes efforts à la Société historique francophone de l’Alberta pour les prochaines années. Là aussi, il y a beaucoup de travail à faire et on pourrait dire que j’y ai une certaine expertise…
Assemblée générale du Réseau santé albertain 2018. Photo: Journal Le Franco.
Si vous avez Fesse-de-Bouc, vous pouvez aller ici pour me voir et m’entendre dresser un bilan très rapide au journaliste du Franco après l’AGA ce matin.
Je suis à Edmonton aujourd’hui dans le cadre de la Foire sur le patrimoine franco-albertain. Il s’agit là d’une rencontre toujours stimulante et intéressante de personnes intéressées par le patrimoine. Évidemment, la plupart des participant.e.s ont des cheveux blancs, mais l’intérêt est toujours là!
Cliquez sur l’image pour accéder au site de la SHFA.
Le Ministre de la culture et responsable du Secrétariat francophone de l’Alberta, Ricardo Miranda, annonçant le lancement des consultations en vue de la création d’une politique sur les services en français dans la province durant le Congrès de la francophonie, Edmonton, le samedi 15 octobre. Photo: Radio-Canada. Cliquez sur l’image pour accéder au site original.
C’est officiel: la province de l’Alberta, à l’instar du Manitoba, de la Saskatchewan, de Terre-Neuve-et-Labrador et du Yukon, va se doter d’une politique des services en français. Les consultations publiques en vue de la création et de la mise en place de cette politique commencent immédiatement et se dérouleront au cours des prochains mois. Ceci répond à une requête de longe date de l’ACFA et fut le clou du Congrès de la francophonie de cette fin de semaine. On a hâte de voir à quoi cela va ressembler.