Rétrospective VIII: Dimanche 5 août 2007: Saskatoon, SK à Red Deer, AB (enfin!)

Cette journée aurait dû selon la planification initiale être consacrée à l’inspection d’entrée dans la maison, au transfert de mes biens du camion dans ma nouvelle résidence et à une installation sommaire. Oui, cela eut bien lieu, mais avec quelques étapes intermédiaires imprévues. Il fallait d’abord transbahuter tout le contenu de Balthazar dans les deux véhicules loués à Saskatoon: un nouveau camion baptisé Isidore (MC s’amusait follement à personnaliser nos véhicules) et une minifourgonnette dont j’oublie maintenant le nom. Tout ceci nous a pris trois heures: de 8 h à 11 h du matin. Quelqu’un qui n’y était pas mais qui a vu cette photo m’a dit: et vous n’étiez pas découragés? Que si! Mais il fallait bien faire le nécessaire pour poursuivre notre route. Ici, la partie délicate de l’opération était de respecter les limites de charge des deux véhicules et, comme toujours lorsqu’il s’agit de remplir un camion, de bien disposer le chargement. Il fallait donc sortir tout le matériel léger qui était en arrière et sur le dessus afin d’atteindre les caisses lourdes au fond et à l’avant du camion (règle d’or du déménagement: il faut toujours disposer le matériel lourd en avant des roues arrière du camion et l’équilibrer). Heureusement qu’il faisait beau et que l’air était d’une douce fraîcheur! Ce transfert s’est opéré dans la cour du concessionnaire International de Saskatoon. Les deux camions étant à peu près de la même hauteur, cela nous a permis d’utiliser la rampe de chargement de Balthazar (le plus élevé des deux) comme pont, ce qui nous a évité des pas.

Nous avions environ six heures de route à parcourir pour nous rendre à Red Deer (l’équivalent du trajet que j’ai souvent fréquenté d’Amos à Montréal, quoi!). Saskatoon et Red Deer sont à peu près à la même latitude; j’avais prévu couper au plus court (en kilométrage) en passant par la route 14, puis 51 en Saskatchewan, puis la route 12 en Alberta, ce qui nous aurait fait passer par Perdue, Biggar, Kerrobert, Altario, Consort, Castor et Stettler. Cependant, Brad (le remorqueur) nous avait déconseillé ce trajet à cause, entre autres, de travaux routiers. C’est sur son conseil que nous avons plutôt pris la route 7 en Saskatchewan, qui courbe vers le sud et débouche sur la route 9 (puis 27) en Alberta, puis remonté vers Red Deer par la route 21. J’avais déjà parcouru une partie de ce trajet en juillet lors de mon voyage à Drumheller. Il y avait peut-être une cinquantaine de kilomètres de différence entre les deux trajets: pas la fin du monde. Mon père dirait de plus qu’«un beau chemin ne rallonge pas» (voici pour l’obligatoire citation paternelle du blogue).

Nous nous sommes divisé la conduite: MC et moi-même avons pris place à bord d’Isidore, puisque, tous deux, nous étions en manque de musique et nos lecteurs MP3 se sont fait aller par l’intermédiaire de mon transmetteur FM. P, pour sa part, a eu droit au silence de la minifourgonnette, sauf lorsqu’il s’est mis à l’écoute de Radio-Canada. En route pour les derniers 600 kilomètres!

Cette partie du trajet traverse en partie le fameux «Triangle de Palliser», une zone semi-désertique des Prairies où on constate visiblement que la végétation se fait plus rare. Si nous étions passés au sud, par la route 1 qui traverse Regina, Medicine Hat et Calgary, le phénomène aurait été encore plus intense. C’est surtout cette partie des Prairies qui s’est transformée, dans les années 1930, en dust bowl, et où les fermiers ont dû abandonner leurs terres. D’ailleurs, j’ai entendu dire qu’une loi interdit en Alberta de refuser de donner de l’eau à quelqu’un qui en demande (mais je n’ai pas réussi à trouver la preuve de la chose).

Encore une fois, les noms colorés ne manquaient pas le long de la route. Tessier, Zealandia, Rosetown, Netherhill et les villages de D’Arcy et McGee (dans notre cas, nous avons vu McGee avant D’Arcy, ce qui était particulièrement étrange). Pour ceux que cette référence historique laisse froid, Thomas D’Arcy McGee était l’un des Pères de la Confédération et il est resté particulièrement célèbre à Ottawa parce qu’il a été assassiné en 1868 sur la rue Sparks, tout près du Parlement. C’est à proximité de D’Arcy que MC, en tant que photographe officielle de l’expédition (j’étais au volant) a pris cette photo d’un des très nombreux champs de foin que nous avons vus. Il semblait y avoir du foin partout, même sur le terre-plein au milieu de l’autoroute, lorsque nous sortions de Saskatoon. Dans cette région où l’élevage forme en bonne partie la base de l’économie, on ne gaspille pas! Nous avons aussi croisé quelques troupeaux de vaches. Qui sait, peut-être que certaines d’entre elles se sont depuis retrouvées dans mon assiette…
Ce fut un parcours somme toute agréable. Belle route, généralement très droite, qui nous faisait voir les immenses perspectives de cette province qui se dit Land of the open skies. C’est fort vrai. Lorsque Daniel Lavoie chante ses «jours de plaine», il ne ment pas. À traverser les Prairies, on comprend aussi pourquoi bien des habitants se trouvent mal à l’aise en milieu urbain: lorsqu’on est habitué à ces grandes routes tranquilles et à ces horizons ouverts sur l’infini, on doit se sentir bien enfermé en ville. En passant, la minifourgonnette de la photo suivante est celle conduite par P.
Nous avons fait étape à Kindersley, SK, pour dîner, avant de nous attaquer à la soixantaine de kilomètres qui nous séparaient encore de la frontière de l’Alberta, située à la bien nommée Alsask, là où se trouve aussi un radar du service météorologique du Canada, dont la masse sphérique nous appelait de loin. Cependant, c’est le panneau annonçant l’entrée en Alberta que j’attendais avec impatience.
La route, irrémédiablement droite, nous réservait encore quelques surprises plaisantes, dont la bourgade au nom évocateur de «Cereal», qui se trouve entre Oyen et Chinook (non, ça ne s’invente pas!). Quelque part dans les recoins de ma mémoire saugrenue, ces noms me rappelaient mes années de jeunesse (lire: école secondaire) lorsque je suis passé avec un ami dans un cimetière de communauté religieuse situé tout près de notre école et que nous nous amusions des noms des religieux au dix-neuvième siècle. Oui, mon sens de l’humour bizarre ne date pas d’hier.

Nous avons repassé par la superbe vallée de la rivière Red Deer, où j’étais passé en juillet. Cette fois, comme je bénéficiais d’une photographe de service, je l’ai prévenue et elle ne s’est pas gênée. Et je ne peux m’empêcher de publier une autre de ces photos, prise au moment où nous commencions la descente vers la rivière.
C’est, de tout le trajet, le seul réel accident de terrain. Mais quelle beauté! Difficile de garder son attention sur la route (et pourtant, il le fallait)! Après nos deux passages par cette vallée (nous sommes revenus le lendemain par le même chemin), nous avions probablement une centaine de photos.

En route, nous avons aussi croisé quantité de granges apparemment abandonnées, qui donnaient un air bucolique au paysage. Un aquarelliste de ma connaissance aurait eu beaucoup de difficulté à ne pas s’arrêter en chemin!
Nous avons également aperçu quelques puits de pétrole, d’abord en Saskatchewan, puis en Alberta. D’ailleurs, la Saskatchewan commence à vivre les effets du boum pétrolier à son tour; il paraît que les problèmes de logement qui sévissent en Alberta commencent à frapper certaines villes comme Saskatoon. On croisait d’ailleurs quelques publicités qui cherchaient à inciter les Albertains à migrer vers leur voisine de l’est, en vantant la qualité de vie. Pour revenir au pétrole, c’est près de Hanna (AB) que nous avons vu ce derrick, chose plutôt rare dans le paysage; on voit surtout des pompes, qui remplacent les derricks une fois le puits creusé (voir un exemple en Rétrospective II).

Je n’ai pas encore parlé d’essence… une chose qui nous préoccupait pourtant constamment avec Balthazar… C’est qu’Isidore, pourtant plus petit, disposait d’un réservoir beaucoup plus considérable: probablement 200 litres. En effet, ce n’est que par acquit de conscience que nous nous sommes arrêtés à Three Hills pour faire le plein, et ce devait être la dernière fois avant le retour du camion à Saskatoon. Deux hypothèses m’habitaient avant d’arriver à la pompe: soit qu’Isidore était particulièrement économique, soit, ce qui avait plus de chance d’être le cas, que son réservoir était plus volumineux. La facture d’essence salée a confirmé ma deuxième hypothèse. J’aurais cependant aimé que Balthazar soit équipé d’un réservoir de même capacité, ce qui nous aurait évité entre autres l’arrêt à Wawa.

De là, nous avons gagné Red Deer par la route 21, chemin que je connaissais déjà. C’est rigoureusement droit sur la carte et ce l’est tout autant dans la réalité (avec quelques très légères courbes qui ne suffiraient pas à garder un chauffeur éveillé s’il était fatigué!). À notre arrivée à Red Deer, de lourds nuages violacés planaient au-dessus de la ville, et nous avons eu droit à un orage peu après notre arrivée. Cependant, ma joie de voir ma petite maison ne pouvait pas être diminuée par une petite averse… qui n’a d’ailleurs pas duré très longtemps; juste assez pour rendre le plancher glissant lorsque nous transportions les boîtes.
J’ai procédé avec mon proprio à l’inspection d’usage, qui consiste à parcourir la maison et à noter l’état des lieux en remplissant un formulaire. Le tout a pour but d’éviter les disputes au moment du départ d’un locataire, car il est d’usage ici d’exiger de la part des locataires un dépôt de sécurité dont le montant ne peut excéder la valeur d’un mois de loyer. Ce dépôt n’est pas, comme c’est souvent le cas en Ontario, applicable au dernier mois de location; l’argent doit être déposé dans un compte séparé et portant intérêt et le locataire a droit annuellement aux versement de ces intérêts (quand il y en a!). Le site Service Alberta est très utile à consulter à ce sujet, de même que celui de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, qui fournit l’information pertinente à diverses provinces (et qui est disponible en français. Les lois concernant la location sont très différentes d’une province à l’autre, et il est essentiel de se renseigner avant de partir. Le dépôt de sécurité sert à dédommager le propriétaire en cas de réparations à faire au départ du locataire, à défaut de quoi il est remboursé au locataire à son départ. L’inspection est donc une étape cruciale qu’il ne faut pas négliger. J’ai pris de très nombreuses photos de toutes les pièces, que je vous épargne ici.

Pour le transbordement du matériel, un de mes collègues du collège et un de ses amis qui travaille au département horticole de la ville de Red Deer sont venus prêter main-forte, ce qui fut énormément apprécié des trois déménageurs fatigués que nous étions devenus. En un peu plus d’une heure, les boîtes étaient passées des véhicules à la maison; il me resterait à organiser le tout, mais ça, c’est la joie des déménagements, et je vous épargne les détails. Le lendemain matin, d’ailleurs, MC et P sont venus me donner un coup de main pour au moins sortir l’essentiel des accessoires de cuisine et assembler mon lit et ma table. Lorsque nous avons quitté Red Deer le lundi après-midi, j’avais un minimum d’équipement pour fonctionner. J’avais aussi eu le temps de placer une bonne partie de mes vêtements sur leurs cintres, car je savais que je disposerais de bien peu de temps pour m’installer lorsque je serais de retour.

Nous avons soupé, puis pris possession de notre chambre à l’hôtel. Ici, il faut revenir un peu en arrière pour expliquer mes aventures avec la chaîne Sandman. Lors de mon premier voyage à Red Deer, en mai, pour l’entrevue, j’avais réservé une chambre à l’hôtel Sandman de Red Deer. Le prix était correct et l’endroit était à proximité du collège. Toutefois, on m’avait placé à côté des ascenseurs au rez-de-chaussée (bonjour le bruit!) et, en trois jours, le personnel n’était pas parvenu à remplacer une ampoule grillée dans ma chambre. J’avais fait part de mon léger mécontentement aux gestionnaires, qui n’avaient pas réagi sur le coup. Toutefois, en juillet, alors que j’étais au milieu des préparatifs pour le déménagement, la gérante de l’hôtel m’avait téléphoné pour m’offrir une compensation: un séjour à prix réduit dans une suite «de luxe» lors de la nuit qu’il nous fallait passer à l’hôtel à Red Deer. Comme je suis toujours prêt à donner une deuxième chance à quiconque cherche à s’améliorer, j’ai accepté l’offre plutôt que de retourner à l’hôtel où j’avais couché lors de mon séjour de juin-juillet, le Travelodge, où j’avais eu droit à du service impeccable.

Nous n’avons eu aucun problème à faire annuler la nuit du 4 au 5 août (forcés que nous étions de coucher à Saskatoon). Toutefois, à notre arrivée, le soir du 5, nous avons constaté qu’il y avait un petit problème: notre suite (qui comprenait une chambre fermée où P et MC ont couché et un salon équipé d’un divan-lit qui m’était destiné) ne disposait que de deux oreillers…. Je me rends au comptoir du service, où j’apprends que l’hôtel est plein et qu’il ne reste plus d’oreillers disponibles! Il aurait probablement fallu appeler quelques chambres pour demander à des clients s’ils disposaient d’un oreiller supplémentaire, mais on ne m’a pas offert cette possibilité. J’ai pu constater par moi-même qu’il n’y avait effectivement plus aucun oreiller dans les réserves… j’ai donc emprunté une couverture supplémentaire qui, pliée dans une taie, allait me servir d’oreiller.

Bon. Comme pour l’ampoule grillée du premier séjour, ce n’était rien de bien grave et il n’y avait pas de quoi faire un drame… mais on s’attendrait à mieux quand on paie plus de 100$ pour une nuit à l’hôtel! Cette fois, au départ le lendemain matin, j’ai fait connaître mon mécontentement de manière non équivoque au gérant de service, qui m’a fait un rabais supplémentaire de 20$. Je lui ai clairement dit qu’on ne me reverrait pas de sitôt dans la chaîne Sandman… Même au motel sans prétention de Wawa, nous avions eu droit à plus d’égards! Mais les aventures hôtelières n’étaient pas terminées… il nous fallait encore coucher à Saskatoon sur le chemin du retour!