Comme je l’ai mentionné dans mon article au sujet de notre repas de Noël de cette année, j’ai pour la première fois expérimenté avec un ragoût de boulettes à la patte de porc (connu au Québec sous le nom de «ragoût de pattes». Il s’agit d’une recette traditionnellement servie aux Fêtes, probablement parce que, jadis naguère il y a très longtemps, les Fêtes de fin d’année survenaient juste après le temps où l’on abattait le porc familial (bien des familles, mêmes urbaines, élevaient des porcs au dix-neuvième siècle; une source peu coûteuse de viande abondante, qui se nourrissait essentiellement des déchets domestiques). Et comme tout le monde sait, «tout est bon dans le cochon», pour peu que l’on sache l’apprêter. Le ragoût de pattes tient son nom du fait que l’on utilise une partie peu utile du porc (une articulation de la patte) pour servir de fond d’assaisonnement pour le bouillon. Je pensais devoir me rendre chez le boucher pour trouver l’ingrédient essentiel à la recette, puis je suis tombé dessus par le plus grand des hasards dans une grande surface!
J’ai quelque peu modifié la recette originale, qui ne provient pas (malheureusement) de ma grand-mère paternelle, qui faisait un ragoût incomparable. Elle est décédée avant que de me passer ses recettes. Toutefois, il y a de nombreuses années (j’étais étudiant à l’université), j’avais été invité à un repas des Fêtes chez la tante d’un ami qui avait préparé un ragoût délicieux. Je lui en avais demandé la recette et l’origine d’icelle. Elle était tiré d’un volume que je me suis depuis procuré: La table en fête, originalement publié en 1987 par le Cercle des Fermières du Québec. Les recettes que l’on trouve dans ce volume sont de qualité inégales (ainsi que celle des autres volumes de la collection, intitulés Qu’est-ce qu’on mange?), mais elles sont une bonne inspiration.
La recette originale se lit ainsi (mes modifications en italiques):
- 2 pattes de porc
- 1 kg (2 lb) de porc haché [quantités égales de porc et de bœuf haché]
- 1 épaule de porc rôtie ou cuite en pot-au-feu
- 1 oignon coupé en quartiers
- 1 oignon haché très fin (pour les boulettes)
- 6-7 gousses d’ail grossièrement hachées
- 1 branche de céleri [plutôt 2-3 branches]
- 1 branche de céleri hachée fin (pour les boulettes)
- 1 œuf légèrement battu [pour les boulettes]
- chapelure [pour les boulettes]
- 2-3 grosses carottes en dés grossiers
- 1-2 tasses [250-500 ml] de farine grillée
- 5 ml (1 c. à thé) d’épices mélangées [on double ou triple la quantité, ou l’on utilise les épices suivantes: muscade, piment de la jamaïque, clou de girofle moulu]
- 3 clous de girofle [plutôt une vingtaine]
- 1 bâton de cannelle
- Épices pour les boulettes: muscade, clou de girofle moulu, cannelle, piment de la Jamaïque moulu]
- Sel et poivre au goût
Personne ne dit que la recette est entièrement simple… elle est surtout longue à préparer. J’ai commencé les préparatifs le 21 décembre en préparant les boulettes (tout en préparant aussi d’autres plats, comme la soupe à la courge et surtout les tourtières, qui requéraient aussi la cuisson d’un mélange de bœuf et de porc haché. Je n’ai donc pas suivi la recette à la lettre. Elle dit ceci:
Faire cuire les pattes de porc dans une marmite remplie d’eau froide. Ajouter l’oignon, le céleri, les épices, le sel et le poivre. Laisser mijoter pendant 4 heures ou jusqu’à ce que la viande soit cuite à point.
Bien mélanger la viande hachée et les épices. Façonner en petites boulettes. Lorsque les pattes de porc sont cuites, les retirer et les déposer dans un plat. Filtrer le bouillon à l’aide d’une passoire et le remettre dans la marmite. Faire bouillir à nouveau à gros bouillons et ajouter les boulettes, une à une.
Réduire le feu et laisser mijoter pendant une heure et demie. Saupoudrer, au travers un tamis, 150 à 250 ml (¾ à 1 tasse) de farine grillée, selon le besoin. Laisser mijoter une autre demi-heure. Ajouter les pattes de porc et faire cuire jusqu’au moment de servir.
Bon. On peut le faire de cette manière, mais ce n’était pas pratique pour moi. J’ai donc d’abord, à partir d’un kilo de viande de porc et d’un autre kilo de viande de bœuf, d’oignon et de céleri hachés, d’un œuf, de chapelure et d’assaisonnements, soixante boulettes que j’ai fait cuire au four chaud (450°F, 225°C) sur une grande tôle à biscuit chemisée de papier parchemin.
Pourquoi faire pré-cuire les boulettes? Parce que le goût de la viande rôtie allait évidemment enrichir le goût du ragoût. De plus, je n’avais pas lu la recette originale avant de préparer mes boulettes…
Le surlendemain (après m’être procuré les pattes de porc), je préparais le bouillon:
Dans une grande marmite, déposer les pattes (avec la peau), l’oignon piqué de clous de girofle, le céleri grossièrement découpé (préférablement avec des feuilles), des morceaux de carottes [mon ajout personnel pour sucrer un peu le mélange; avec les oignons et le céleri, elles complètent la traditionnelle mirepoix], l’ail, un bâton de cannelle (ou de la cannelle en poudre), de la muscade et du piment de la Jamaïque. Couvrir d’eau froide, amener à ébullition, réduire le feu et laisser mijoter environ deux heures, jusqu’à ce que la viande soit bien cuite.
Retirer les pattes du mélange et filtrer le bouillon. Jeter les légumes, qui ont donné tout ce qu’ils avaient à donner. Le mélange aura des «yeux»; ne pas dégraisser.
J’ai obtenu trois litres de savoureux bouillon. Au moment de préparer le ragoût, j’ai ajouté un peu de bouillon de dinde, parce que la quantité de liquide était un peu en-dessous de ce qui était nécessaire.
On voit aussi sur la photo ci-haut le contenant de farine grillée. La saveur du ragoût est rehaussée par l’usage de cet agent épaississant simple à préparer à la poêle ou au four. On dépose la quantité voulue de farine en couche mince au fond d’une poêle antiadhésive (ou préférablement sur une tôle à biscuits au four). On cuit à four moyen (350°F, 175°C) en retournant fréquemment à la spatule pour faire brunir uniformément et éviter de brûler la farine. Et si, comme nous, vous avez un détecteur de fumée un peu trop sensible et pas de hotte de cuisinière, il est sage de retirer le détecteur pour cette opération… On tamise ensuite pour défaire les grumeaux.
Pour préparer le ragoût, il suffit ensuite de faire bouillir ensemble la viande des pattes et les boulettes (auxquelles j’ai ajouté des carottes en dés grossiers). Comme on peut voir, les pattes donnent peu de viande, et c’est pour cela que je me suis procuré une épaule de porc, que j’ai fait braiser avant de la défaire de la même manière pour l’insérer dans le ragoût.
Le résultat était entièrement fidèle à mes souvenirs de ragoût de pattes. Il faudra que j’en refasse… parce que tout est parti!