Dormance

Ça y est. Les préparatifs hivernaux sont presque terminés en ce dimanche avec les travaux extérieurs. Le jardin entre en dormance. Hier, nous avons connu des rafales de vent de 90 km pendant à peu près toute la journée, rendant impossible le travail de préparation extérieure que je voulais faire depuis trois semaines mais que mes folles activités avaient retardé jusqu’ici. Le potager, patiemment préparé ce printemps, a perdu ses derniers légumes: des carottes (un bon kilo).

Je dois malheureusement me résoudre à acheter à nouveau des tomates, et bientôt d’autres légumes que je produisais jusqu’à tout récemment… Cependant, j’ai encore en réserve des oignons, des haricots (congelés) et de l’ail.

Ces travaux automnaux qui marquent le rythme de la vie sous nos latitudes nordiques me rappellent chaque fois mon enfance, ainsi que les «maisons» de feuilles que nous créions dans notre enfance, utilisant des petites piles de feuilles pour marquer les «murs». Évidemment, comme tous les enfants, nous adorions également empiler les feuilles le plus haut possible (ce qui était plus facile avec les feuilles d’érable et de chêne qu’avec les petites feuilles disponibles ici) pour ensuite s’y précipiter avec délectation. Faire ce travail seul me rappelle aussi que chez nous c’était une activité familiale… la dernière grande activité commune avant la froidure de l’hiver. Et chez mes parents, à cause de l’abondance des feuilles, ce travail s’étalait généralement sur deux ou trois semaines. Comme notre maison était bâtie en bordure d’une rivière, de laquelle elle était séparée par une centaine de mètres de distance sur une trentaine de dénivellation, nous allions porter les feuilles en «bas de la côte» pour qu’elles s’y décomposent en formant le fond d’un sentier. Ici, j’aurais pu, comme l’année dernière, en remplir des contenants à récupérer par la Ville, mais je me suis contenté de les empiler sur une plate-bande et sur le jardin pour qu’ils s’y décomposent pendant l’hiver.

Sur cette plate-bande, on trouve, en plus des «déchets de jardin» (que je n’aime pas cette expression!), une riche couche d’humus… C’est là le produit de mon composteur! Il était presque émouvant de sortir du ventre de cette caisse de plastique ces matières organiques, résultat de mon jardinage et de mes achats de fruits et légumes… transformées à nouveau en nourriture pour plantes, cette fois.

J’ai sorti du composteur quatre brouettes de cette riche terre noire à la bonne odeur (oui, la brouette que m’ont laissé mes propriétaires est un peu bringuebalante… mais elle fait encore le travail qu’on lui demande!)

En plus du ratissage des feuilles, il me fallait rabattre les plantes qui restaient… et dont certaines avaient gardé une certaine dignité, comme ces lanternes chinoises. Elles sont maintenant enfouies sous la plate-bande ci-haut, où l’on trouve également des feuilles d’iris coupées ici et là. Il ne reste plus, au jardin, que ce buisson aux couleurs ardentes, qui vient de passer du vert au jaune cette semaine: baroud d’honneur avant l’assoupissement hivernal. L’ami Boris vient justement de commettre un bel article à ce sujet. Ce buisson constitue le lieu de repos préféré de Monsieur C, qui rapporte ensuite des feuilles attachées à son poil… comme autant de feuilles d’or… destinées au composteur pour donner à nouveau la vie!

Tout cela ne me rend certainement pas triste. D’abord, j’aime beaucoup l’hiver. Ensuite, je sais très bien que si la Terre s’endort un peu… c’est pour se reposer de tout ce qu’on lui demande! Il me semble qu’avec ce qu’on exige d’elle ces dernières années, elle aurait besoin de bien plus que les six mois qu’elle prend dans notre région… Malgré notre ingratitude… elle se réveillera pour nous redonner généreusement l’an prochain ce dont nous avons besoin pour vivre.

Râteau à la main, en pensant à cette renaissance espérée, il m’est remonté à l’esprit la chanson «The Rose», de Bette Midler, qui parle justement de cette lente germination secrète et souterraine (de l’amour) pendant le repos hivernal. C’est en cherchant une interprétation de cette chanson sur YouTube que je suis tombé sur cette étonnante association entre cette chanson et le film d’Ang Lee, «Brokeback Mountain». Je vous laisse là-dessus. Bonne semaine!